Le problème n’est pas dans le fait que les femmes dénoncent, enfin, des faits pénalement répréhensibles qu’elles taisaient par peur ou par honte.
Le problème n’est pas dans le fait que les femmes clament enfin leur colère envers des goujats plus ou moins entreprenants.
Les femmes n’ont pas à subir des insultes, des attouchements ou pire. Ce sont des comportements inacceptables.
Pourtant ce combat au nom du progressisme revêt les atours de l’archaïsme le plus profond.
Avec #Balancetonporc, nous abandonnons notre société civilisée pour renouer avec une époque ancestrale ou le droit n’existait pas.
L’actualité témoigne, en effet, d’un glissement de la sphère du droit vers celle de la morale, et la morale n’a rien à faire dans un Tribunal, elle n’est pas un gage de justice, bien au contraire.
S’il est difficile d’entendre la différence entre morale et droit, seul le droit permet de prononcer sinon, une peine juste, une peine justifiée.
La violence collective est instinctivement la première réaction face à tout acte de violence, c’était un droit sacré avant l’émergence de la notion d’Etat de droit.
En réduisant les revendications des femmes à un hashtag violent, on retire la cause des femmes du cadre juridique pour les enfermer dans l’indignation et la violence de masse.
Repousser des avances et signifier son refus suffit généralement à mettre fin à toutes les velléités masculines, lorsque ce n’est malheureusement pas le cas, la Loi existe pour y remédier.
Lorsque la ligne est franchie et que le comportement adopté relève de l’agression et donc de l’infraction pénale, la loi doit protéger les victimes.
Pour cela, la loi vient définir objectivement cette limite et donc les comportements caractérisant l’agression et elle en prévoit naturellement les sanctions pénales.
La Loi constitue en ce sens un garde fou, elle nous protège également tous contre la subjectivité du ressenti de chacun. Si le hashtag #Balancetonporc met à mal les grands principes, tel que la présomption d’innocence ou le droit à l’honneur, la Loi, à l’inverse permet de les garantir.
Elle nous protège notamment contre une foule avide de vengeance plus que de justice.
Marlène Shhiappa, secrétaire d’Etat auprès du Premier Ministre et chargée de l’Egalité entre les hommes et les femmes soutient la campagne #Balancetonporc.
Il serait donc admis désormais qu’au nom de la peine, de la haine, de l’humiliation, nous pourrions nous octroyer le droit de jeter à la vindicte populaire le nom de celui qui nous aurait causé du tort.
Le risque immense de cette acceptation réside dans la part bien trop grande de subjectivité quand il s’agit d’un sujet aussi sensible que la sexualité.
Toute insistance un peu trop appuyée et persévérante, toute drague un peu trop « lourde » pourrait être assimilée à du harcèlement.
La subjectivité et l’émotionnel n’ont pourtant pas leur place dans la justice pénale.
Toutes les femmes ont une fois était sifflée par un homme dans la rue. Certaines parlent alors d’agression, de violence d’autres y voient là un hommage à la féminité.
Question de subjectivité…
Si d’aucun n’hésite pas pour parvenir à leurs fins à employer le pouvoir, l’argent, la ruse, à jouir d’une position de pouvoir ou d’abuser de la candeur, ce comportement s’il est assurément moralement blâmable fait partie de la nature humaine, il n’est pas l’apanage des hommes et ne caractérise pas une infraction pénale.
Cette chasse aux sorciers fait appel à une notion archaïque selon laquelle l’homme est par essence coupable, la femme victime ; l’homme une brute potentiellement criminelle, la femme une proie potentielle.
De même que nous devons refuser que la féminité soit réduite à la fragilité et la futilité ; nous devons refuser que la virilité soit réduite à la brutalité potentiellement criminelle.
Les hommes exercent un certain pouvoir sur les femmes mais comment nier celui que ces dernières détiennent sur les hommes.
Il est nécessaire, dans le combat des femmes d’articuler égalité et différence.
Il est évident, et cela paraît fou de devoir le rappeler ou l’acter, que la femme doit disposer des mêmes droits, des mêmes libertés et des mêmes protections légales que l’homme.
Mais nier nos différences et vouloir lisser nos comportements sont d’une part parfaitement impossible mais également extrêmement triste.
Si toutes les femmes sont dégoutées par les imbéciles libidineux, le combat féminin doit être pondéré et rationnel.
N’oublions pas que la majorité des hommes savent se comporter correctement avec les femmes.
N’oublions pas que si l’homme n’est pas un pur esprit et s’il espère séduire, il en est de même pour la femme.
A l’oublier le risque est de signer la disparition des hommes aux valeurs chevaleresques, éduqués à transcender leur désir parce qu’on aura préféré les menacer plutôt que de les éduquer dans un profond respect des femmes.
Julie RACOUPEAU
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